Voilà, c'est cette nuit-là, celle du 4 au 5 août 1954, que tout a basculé. Cette nuit-là qu'un jeune camionneur de la Crown Electic Company nommé
Elvis Presley, aidé du guitariste Scotty Moore et du contrebassiste Bill Black, a changé à tout jamais la face du monde. Vous pouvez penser ce que vous voulez, mais sans lui, pas de Beatles, pas de Stones, pas de Led Zep, pas d'ACDC, pas de Springsteen, et chez nous pas de... Oups!!!
Ces 3 gars ont, en une nuit, inventé un genre musical qui a explosé tout ceux et ce qui se trouvaient sur son chemin, fait chavirer le coeur de millions de gosses, dont certains s'appelaient John, Keith ou Bruce, fait craquer nerveusement le Rat Pack, entamés un processus irréversible de destruction de valeurs ancestrales surannées dont nos grands parents se croyaient les relayeurs et dont ils finirent par rendre les armes, j'm'essuie le front, elle m'a donné chaud, cette phrase-là...
Mais qu'est-ce qu'ils ont bien pu faire cette nuit-là pour nous mettre dans un état pareil? Tout d'abord, intéressons-nous à la personnalité du jeune
Elvis (19 ans, à l'époque). Ce môme est un original, comme on dit; il a les cheveux longs, coiffés en arrière et gominés comme un danseur de tango, les favoris qui descendent bas, habillé comme un "nègre" (on est en 1954, dans le Tennessee, état sudiste à la pointe de la mode au niveau de la ségrégation raciale), et pourtant, c'est un p'tit gars tout ce qu'il y a de gentil, très poli avec les dames et en complète dévotion devant sa maman, Gladys. Et puis il a une passion depuis tout petit; il adore chanter, ça lui a pris à l'église, où ses parents l'emmenait toutes les semaines.
Elvis fréquente les chorales, et son rêve est de rejoindre un groupe de Gospel, les Songbirds. Mais son allure le fera échouer à l'examen d'entrée (encore un qui aurait pu être recruteur chez Decca). Mais il a aussi un vice caché; il fréquente le quartier "colored", ce qui n'est bien vu ni d'un côté, ni de l'autre. Il est attiré par la musique qu'il entend dans les bouges, ce "Boogie-Woogie" à la réputation sulfureuse, qui a l'air de parler de choses dont il ignore tout.
A la maison, il écoute aussi de la Country avec Gladys, pendant que papa Vernon passe son temps au travail (ou en prison). Comme Gladys trouve que son fiston a un beau brin de voix,
Elvis pense que ça lui ferait sûrement plaisir s'il enregistrait une petite chanson pour son anniversaire. Il se rend alors au Studio Sun, et après avoir versé son dollar, enregistre "
My Happiness". Ce soir-là, Sam Philips, propriétaire du studio n'est pas là. Aussi, lorsqu'il rentre à Memphis, la secrétaire lui raconte qu'elle a "enregistré un jeune homme blanc qui chante comme un noir". Philips pensait que le jour où il trouverait cette perle rare, sa fortune serait faite. Il fait donc venir l'oiseau rare dans son studio, appelle 2 vieilles connaissances, requins de studios, Scotty et Bill, les enferme dans le stud', et "allez-y les gars, sortez-moi quelque chose qui swingue!". Seulement voilà, les 2 zicos ne comprennent rien à ce que leur explique
Elvis. Ils se mettent alors à jouer un peu de tout, mais tournent souvent sur un titre de Arthur "Big Boy" Crudup, "That's All Right, Mama". Ils la jouent Country, ils la jouent Boogie, mais ça ne swingue pas du tout. Alors
Elvis leur dit de la jouer Country, mais en y collant un tempo de Boogie, et lui s'arrangera pour que la voix sonne suffisamment "Noir".
Et voilà comment un morveux de 19 ans a foutu le feu à la planète entière. Après "That's All Right, Mama!", on impose le même traitement à "
Blue Moon of Kentucky", puis à "Good Rockin' Tonight", un morceau de Louis Jordan, et puis "
Mystery Train" et puis "Baby, Let's Play House!" (ma préférée). Sam Philips devient fou. Aussitôt la session d'enregistrement terminée, il grave le résultat sur vinyle et fonce dans les radios locales. Certaines sont O.K., mais la plupart lui font un sourire gentil en le prenant pour un zozo (pour rester poli), et dans d'autres, on le fout carrément à la lourde en lui refilant ses daubes en travers de la tronche.
Mais celles qui ont acceptées ont gagnées le jackpot. Auprès des jeunes, le carton est immédiat. Les pires, ce sont les minettes qui, en l'entendant, se découvrent de nouvelles sensations. Hurlements, hystéries, jets de culottes sur scène,
Elvis va vite devenir un danger pour l'ordre établi.
Ses "Sun Sessions" marquent l'an 1 de l'histoire du Rock'n'Roll. C'est l'acte de naissance d'un des plus grands phénomènes de masse de l'Histoire. Ce disque est indispensable pour tous ceux qui aiment le Rock car c'est le premier, la Bible. Toutes les règles sont là. Et comme on est des Rockers, on prend un malin plaisir à les transgresser... mais ça aussi, il l'avait prévu!
Plus tard, Sam Philips a fait fortune en "vendant"
Elvis à RCA. Il avait gagné son pari, il avait trouvé un chanteur blanc qui sonnait comme un noir.
Il l'a cédé pour 35 000 Dollars.
BINGO!!!
HotRodFrancky
Excellent papier pour une pierre quasi philosophale.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire