L’arrivée de
Steve Howe après
Time And A Word est pour beaucoup considérée comme le vrai départ de Yes, et comme beaucoup de formations anglaises de racines psychédéliques (
Jethro Tull,
Pink Floyd...), le groupe s’oriente vers le rock progressif, défini par
King Crimson et déjà bien avancé. C’est à partir de là que Yes va entrer dans le panthéon du prog, avec ce Yes Album qui s’imposera grâce à son style unique et virtuose.
Ce sont les claviers rêveurs et majestueux associés à un riff rock percutant qui introduisent l’album sur Yours Is No Disgrace, si le thème est brillant, le groupe ne se prive pas de le décliner et d’explorer de multiples changements de rythme avec une maitrise et une cohésion épatante. Les autres titres longs ne déçoivent pas, Starship Trooper a probablement la structure la plus complexe, dans l’ensemble assez rock, mais doté d’un final presque psyché, sublimé par un solo de guitare d’anthologie qui propulse cette conclusion vers des sommets d’épisme remarquables. Avec I’ve Seen All Good People, le ton se fait plus planant, presque floydien, avec des mélodies et des harmonies vocales succulantes, avant un brutal virage presque rock ‘n’ roll certes inattendu mais hyper efficace.
Perpetual Change, qui conclut l’album, maintient ce niveau musical élevé avec de nouvelles envolées mélodiques mémorables, avec un ton plus léger qui n'entame pas le moins le moins du monde la complexité structurelle. Il est important de souligner également la section rythmique vraiment impressionnante de talent, variant sans cesse les pulsations et proposant quelque chose de très original. Howe a droit à sa petite démonstration avec Clap, un enchainement de prouesses techniques de guitare acoustique allant du classique au flamenco, renversant. Avec A Venture, on tient peut-être le seul titre un peu en deçà, mais ça reste très solide grâce à la mélodie beatlesienne associée à la voix toujours très juste de Anderson, rien de grave donc.
Le Yes Album frappe donc un grand coup dans le monde du rock progressif. En associant technique instrumentale et qualité de composition, Yes s’impose vite comme l’un des symboles du mouvement qui n’en finit pas d’épater avec des chefs d’oeuvres qui s’accumulent. Plus que tout ça, c’est la simplicité des morceaux qui surprend, surtout quand on connait la suite de la carrière du groupe, ici nul besoin de grands moyens pour atteindre des degrés de grandeur progressive pourtant très élevés. En guise d’ultime ajustement, le groupe se séparera de Tony Kaye après cet album, le remplaçant par un nouveau virtuose,
Rick Wakeman, histoire de compléter le plateau galactique. Néanmoins, Yes n’atteindra par la suite que difficilement les sommets de son Yes Album, en terme de cohésion et d’attrait, et malgré les nombreux titres mythiques composés par la suite, cet album demeure le mieux fichu et le plus équilibré.
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