Avec mégère et Alecto, Tisiphone fait partie des Erinyes, ces déesses grecques de la Justice dont le but est notamment de punir ceux qui ont versé le sang d'un membre de leur famille. Il s'agit aussi du nom d'une famille de papillons australiens. Ce double paradoxe, la Justice violente et la vie éphémère et légère d'un lépidoptère, est probablement ce qui caractérise le mieux la musique du trio lyonnais dont nous parlons aujourd'hui.
Tisiphone est un groupe dont le son est à dominante Post-Punk, notamment cette basse froide mais qui claque comme une gifle de bise hivernale en plein visage. Derrière se greffent des guitares plutôt saturées (on pense assez régulièrement à
The Jesus And Mary Chain dans la période « Darklands » pour le mélange entre saturation noire et mélodies Pop) et des claviers qui louvoient entre léger son d'orgue et synthétiseur des années 80 (sans tomber dans le rétro à tout prix comme peuvent le faire les groupes de Synthwave actuels).
Le chant est le point permettant à Tisiphone de se démarquer : alternance entre deux chants féminins et un masculin, dialoguant entre eux au hasard d'un titre (encore que l'on pourrait plus parler d'engueulade que de dialogue dans le cas de « The Feast »), lancinant et presque ritualiste au détour d'un autre (« Where Are You »), tenant parfois presque de la simple déclamation poétique (la très belle et lugubre « Empty Streets »), … Il en ressort l'impression que chaque chanson dispose de son propre type de chant personnel, permettant ainsi à chacune d'entre elle de disposer d'une personnalité indépendante et bien à elle.
Paradoxalement, ce premier album est particulièrement bien construit : derrière l'aspect presque disparate que l'on croit trouver au premier abord se cache un petit bijou d'arrangements, où chaque chose à un but précis dans le grand ordonnancement des choses, et est parfaitement à sa place. Les influences sont évidemment présentes (
Joy Division, Morthem Valde Art, ou encore Asylum Party et toute la scène Coldwave des années 80, comme les lyonnais de L'Enfance Éternelle), mais elles n'étouffent pas la créativité : ce premier album est tout, sauf une redite de ce qui a été fait auparavant.
Si une comparaison avec un autre groupe devait être fait, je dirais que Tisiphone me rappelle les américains de This Mortal Clay. On retrouve chez les deux groupes la même froideur, le même détachement, la même ambiance morbide tout en tordant les codes de différents genres musicaux pour les plier à sa propre volonté. Ce premier album, doté qui plus est d'une illustration superbe de Johanny Melloul correspondant parfaitement à l'atmosphère du groupe, est une belle réussite qui satisfera tout amateur de Goth Rock, de Post-Punk ou de Coldwave. Et je ne doute pas une seconde que l'on va rapidement entendre reparler de Tisiphone.
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