Des sons électroniques, une voix plus grave que jamais, à la limite du
Murmure : le précédent «
New Adventures in Hi-Fi » avait lui aussi démarré par une chanson inhabituelle chez
REM, et là, dans le cas d’ « Airportman », c’est encore plus flagrant. Morceau trop long, avec ses quatre minutes, pour être une simple introduction, de quoi s’agit-il ? L’interrogation porte donc, comme précédemment, sur la continuité.
En pleine période hip-hop soul par ailleurs (ce que l’on a l’habitude, dans les années 1990 et 2000, de nommer par le terme historiquement beaucoUp plus général de R&B, la terminologie heavy R&B étant plus précise en l’occurrence), «
Lotus » commence d’une manière dont on se dit qu’elle pourrait aller aussi bien vers le rock que vers la soul, et se rapproche effectivement des dernières évolutions en date d’une scène qui avait progressé indépendamment du cheminement des grands groUpes de rock tels que
REM, le pont le plus notable jusqu’alors dans la discographie de ces derniers ayant été la participation du rappeur KRS-One à «
Radio Song » en 1991.
Très soul lui aussi, «
Suspicion » montre cependant davantage d’affinités avec les années 1960 et 1970, tandis que les sons électroniques, minimalistes pour une partie d’entre eux, reviennent en force au détour du titre « Hope », comprenant également de riches sonorités acoustiques (hommage à « Suzanne » de
Leonard Cohen oblige), ainsi qu’un final bruyant, psychédélique, digne du
Velvet Underground. De nouveau soul, avec un développement mélodique intéressant au niveau du piano, «
At My Most Beautiful » fait la part belle à la douceur et à la mélancolie.
Jusqu’à présent, la voix de Michael Stipe est restée grave, ce qui semble indiquer qu’une étape a été franchie depuis «
New Adventures in Hi-Fi ». Elle redevient plus aiguë chez « The Apologist », où l’on retrouve la marche tranquille, coutumière, de
REM entre rock et folk, autant que sa force de suggestion émotionnelle. L’entrée en matière folk à la fois sombre, gorgée de déception et non dénuée d’optimisme que nous offre « Sad Professor » amène des passages marqués par de la distorsion et une certaine intensité vocale.
Retour à la mise en valeur des mélodies instrumentales et vocales, pensives, spirituelles : « You’re in the Air » s’affirme comme une merveille d’orchestration, également plus intense à partir de la deuxième minute. Les guitares électriques de « Walk Unafraid » font route commune avec les sons électroniques, toujours présents, si bien que ce morceau, qui aurait pu, à certains égards, être le plus rock de l’opus, contribue lui aussi à une ambiance complexe et mystérieuse.
Si l’électro-folk de « Why Not Smile », bourré de larsens, présente certaines affinités avec
New Order, «
Daysleeper », plus classique, se pose comme une ballade dont les reliefs conservent leur fraîcheur du début à la fin. D’abord plus obscur, « Diminished / I’m Not Over You » fait entrer la lumière en variant le tempo du chant.
« Parakeet », montrant la pop sous un angle réfléchi, respecte à sa façon la complémentarité, plutôt énigmatique, entre les différents timbres dont il est question depuis « Airportman », ce qui résout l’interrogation initiale : l’importance prise par l’électronique (y compris dans « Falls to Climb », un final magnifique par son éloge de la liberté) est, tout simplement, une contribution à un album relaxant, peut-être l’album de
REM, entre tous, que l’on écoute avant tout pour se détendre et pour rêver les yeux ouverts.
D. H. T.
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