Premier album du label Vertigo époque « swirl » (qui découvrira par la suite Black Sabbath,
Uriah Heep ou encore
Gentle Giant), « The
Valentyne Suite » est le deuxième album de
Colosseum. Leur premier opus (« Those Who Are About To Die Salute You ») ne passa pas inaperçu grâce à son mélange jazz-rock novateur pour l’époque, ce qui fait de
Colosseum l’un des pionniers du genre. Quant à « The
Valentyne Suite », il reste novateur pour son approche progressive.
Il faut dire que les musiciens ont été élevés à bonne école : les trois membres fondateurs Jon Hiseman, Dick Heckstall-Smith et Tony Reeves furent aussi membres des légendaires Bluesbreakers (ou
John Mayall & the Bluesbreakers), un groupe pionnier du british blues qui accueillit des monuments du rock comme Mick Taylor ou
Eric Clapton. Ces trois compères recrutent bientôt
James Litherland, qui se voit vite confier la guitare, ainsi que Dave
Greenslade qui officie sur l’orgue Hammond au son si caractéristique.
Ce somptueux album est composé de sept titres pour une durée totale d’environ 34 minutes (ce n’est pas si peu pour l’époque). Les quatre premiers sont indépendants les uns des autres mais les suivants sont novateurs dans leur construction puisqu’ils forment ensemble un seul et même titre décomposé en trois parties. C’est ce petit détail, entre autres, qui leur permet de figurer parmi les figures de proue du rock progressif (on parle alors de proto-prog). Sorti à quelques jours d’écart de « In the Court of the Crimson King », « The
Valentyne Suite » pourrait souffrir de cette comparaison mais le groupe n’a pas la même ambition que le Roi Cramoisi et ne s'attardera d'ailleurs pas sur les contrés du rock progressif.
Et la musique alors?
D’entrée de jeu on est assailli par la batterie transcendante d’Hiseman sur « The Kettle ». Cependant, il devient vite évident que le jeu de guitare de
James Litherland est loin d’être à la hauteur : pas assez rock et une production trop peu incisive. Beaucoup plus convaincant au chant, ce dernier apporte une touche bluesy bienvenue. Dick Heckstall-Smith, lui, est un génie du saxophone, notamment capable de jouer deux instruments en même temps ! Ses prestations sont un régal (spécialement dans le super « Butty’s Blues » et son final ravageur).
La pièce maîtresse de l’album, comme je l’ai déjà signalé, est celle divisée en trois parties et qui clôt celui-ci. Le mariage des instruments et des genres fait des merveilles avec ces touches de saxophone sur une mélodie extraordinaire au piano, cette batterie toute en finesse, les solos à l’orgue Hammond hérités du jazz... La basse quant à elle ne laisse pas indifférent et a, elle-aussi, le droit à ses petits moments de gloire.
Sur la deuxième partie de cette grande épopée certains pourront s’étonner de la grande ressemblance avec Atom
Heart Mother, notamment avec le travail fourni sur les chœurs. Je n’ai pas de réponse à apporter mais il ne me semble pas indigne de suggérer que
Pink Floyd puisse avoir été inspiré par
Colosseum (voire l’inverse) étant donné la proximité temporelle entre les deux œuvres. Toute cette dernière pièce est presque entièrement instrumentale mais il n’est pas question de s’en plaindre tant sa richesse est exemplaire.
L’enthousiasme est plus que palpable dans cette merveilleuse offrande à la croisée des genres. Ce n’est peut-être pas l’album le plus indispensable ou le plus emblématique de cette décennie foisonnante de créativité mais il mérite sans vergogne qu’on lui dédaigne au moins une écoute attentive. J’espère ici avoir rendu justice à ces grands musiciens qui ont offert plus qu’une simple production, une œuvre à part entière, une œuvre hybride et pionnière dont on peut s'en délecter.
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