C'est totalement par hasard que je suis tombé la première fois sur ce groupe lors d'une soirée au bar Les Cariatides à Paris. Le duo, formé d'un batteur et d'un guitariste / chanteur, enflammait la minuscule scène du sous-sol avec une énergie remarquable, envoyant un rock brutal et crasseux aux accents bluesy entrecoupé de blagues sur le MEDEF et de dédicaces à quelques grands noms comme Patrick Balkany et Bernard Tapie. Ils finirent leur set par une reprise survoltée de «
Can't judge a Book by it's cover », après avoir fait tourner dans le public un chapeau décoré d'un logo de la BNP Paribas afin d'y récolter quelques pièces.
Tout est dit, c'est exactement cette ambiance que l'on retrouve sur leur premier opus,
Waste Earn Blues: du rock sale et puissant, un son de guitare outrageusement gras, une batterie qui assomme, le tout agrémenté de pas mal d'humour, de désinvolture et d'esprit anticapitaliste totalement assumé (ça commence déjà sur leur site internet, prétendument basé dans un « paradis fiscal » et rempli d'articles annonçant divers plans sociaux et délocalisations pour faire fabriquer leurs albums par des enfants au Bangladesh). Bref, ça me plaît.
À l'écoute, ça démarre très fort avec l'entraînant « Bolt with the Swag », titre rock énergique aux airs 60's, terminant par un surprenant final semblant sortir tout droit un vieux vinyl de blues d'avant guerre déterré lors d'un vide grenier. S'en suit l'impressionnant « Void Show », alternant fanfare d'outre-tombe et riffs vengeurs, avec une voix lancinante rappelant avec plaisir le Morrison Hotel des Doors. L'énergique « Bankster » nous secoue encore avec ses riffs grungy alors que «
Waste Earn Blues », morceau titre de l'album, nous écrase sous les coups de massue du batteur et les guitares tranchantes. « Ain't from no pack » et son ambiance western sombre offre une pause appréciable, bien que de courte durée puisque le morceau s'achève par une montée en puissance suivie par un déluge métallique final. Le groupe nous gratifie d'une version très personnelle du célèbre « A little less conversation » d'Elvis, avant l'inclassable « The Helping Hands », ovni blues au groove des Balkans. Mention spéciale pour la seconde reprise de cet album, « You can't judge a book by it's cover » de
Bo Diddley dont l'énergie implacable et le riff magistral en milieu de morceau m'a donné envie de lancer un pogo dans mon salon. « Crap Guru » nous fait secouer la tête avec son côté stoner et la pseudo ballade « Six Eyed Girl » nous surprend par ses mélodies bluesy et son refrain à la fois rugueux et aérien. Enfin, l'excellente reprise du légendaire « Back in the USSR » des Beatles vient achever le disque (et nos oreilles) en beauté.
En résumé, on a un album de gros son brut, sale, inspiré et enragé, à la croisée des chemins entre le rock, le blues et même parfois le métal, servi par un sympathique duo qui n'hésite pas à mouiller la chemise. L'énergie, la spontanéité et l'inventivité de ce LP arrive même à occulter une production approximative, bien que totalement assumée (le groupe qualifiant lui-même son album de « low cost »). A recommander aux amateurs des Black Keys, de Rage Against the Machine, des Lords of Altamont ou encore de Black Sabbath.
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